L’Architecture Euphorique n°06 |
Publiée en novembre 2024
« C’est pourquoi politique et esthétique sont liées à mes Yeux. La culture, ça s’apprend. la beauté du monde, ça s’apprend aussi. S’il existe un devoir politique, c’est de les enseigner, c’est-à-dire d’ouvrir des possibles. »
Barbara Cassin
LIBERTÉ !
Il y a des mots, aujourd’hui, qu’il ne fait pas bon dire. « Politique » par exemple ou « liberté ». Comme si c’étaient des gros mots. Nous croyons, tout au contraire, qu’il n’en existe pas de plus fondamentaux, a fortiori lorsqu’il s’agit de « faire ville » et de faire voler en éclat les idées préconçues, les portes ouvertes à la pensée mièvre.
L’édition 2024 du festival de la ville autrement placée sous l’injonction du non ! vient de s’achever ; elle a produit les contenus de la présente revue d’architecture euphorique numéro 6, notamment lors de l’événement intitulé bazar D qui a réuni : architectes, artistes, designers, responsables de lieux culturels, anthropologues, géographes etc. autour de toutes les alternatives pour dire oui !
Cette édition a mis en lumière un paradoxe très surprenant, à savoir : être optimiste aujourd’hui est impossible, c’est du béni oui ouisme, pour autant, n’être que pessimiste nous est interdit, sauf à succomber à une forme de cynisme qui ne produit rien.
La seule échappatoire possible alors c’est donc de faire, de créer, de tenter, encore et toujours, d’expérimenter, des actions, des lieux, des temporalités, comme celle du festival qui s’est déroulé dans les locaux désertés de l’ancienne école d’architecture au coeur des frondaisons de la calanque de Luminy. Il y eut des rencontres, des mélanges, des frictions afin de voir ce que cela produit et cela transforme.
Que tente-t-on quand on crée une alternative ? À des degrés divers, chacune à leur manière, toutes les personnes dont les paroles sont retranscrites dans la présente revue tentent d’arpenter un chemin de traverse pour ne plus rester sur celui qui est balisé et qui est imposé par un modèle urbanistique capitaliste exsangue parce qu’à l’évidence celui-ci ne mène nulle part. Dans un monde qui a perdu tout son sens critique, il existe des foyers de résistance, ici et là, et des gens qui objectivent des situations, qui cherchent à les dépasser et qui tentent autre chose, une autre manière d’être au monde. En passant par la création, c’est-à-dire prendre une chose et la transformer en autre chose. La ville est alors pensée comme une ode à l’expression et à l’expérimentation, sans doute aussi à la transgression parce que c’est là que se nichent les foyers créatifs.
Quoi de plus important que de faire une place de manière exigeante, opiniâtre, répétée, à ce qui ne peut être que la source de toute chose : la liberté – en lui déroulant un tapis rouge (et jaune) fluo. Rien n’est plus précieux et rien n’est plus rare que la liberté.
…et rien ni personne ne nous fera y renoncer !
Matthieu Poitevin
Architecte fondateur de Caractère Spécial
Président de l’association Va jouer dehors !