12 septembre 2025
L’édition 2025 du Festival de la Ville, qui aura lieu au Théâtre du Centaure à Marseille, mettra l’ordinaire à l’honneur en questionnant l’architecture du quotidien et son influence sur nos vies. À travers débats et créations, le festival célèbre cet art populaire comme moteur de transformation urbaine, invitant chacun à réinventer ensemble la ville de demain.
L’architecture peut-elle être autre chose qu’ordinaire ?
Comment définir « ordinaire » ?
Est ordinaire : « Ce qui est conforme à l’ordre établi, normal, courant ; habituel ; qui ne dépasse pas le niveau commun ; banal, quelconque, médiocre » (définition Larousse).
Partant de cette définition, si elle doit satisfaire le plus grand nombre pour exister, l’architecture doit être ordinaire.
Pour autant, cela signifie-t-il que le plus petit moyen multiple doit être médiocre ?
Si oui, bon. Passons.
Si non, comment élever le niveau de l’ordinaire pour prendre soin de celles et ceux qui le vivent ?
Comment créer les conditions de cette transformation ?
Byzance s’est transformée en Constantinople et a inspiré Venise.
L’ordinaire de Venise c’est quoi ? Comment passe-t-on de Venise à Lorient ?
Les villages en pisé de l’Atlas, sortes de résurgences telluriques de la montagne, savaient se lover dans la lumière. Ceux de Grèce la caressent. Les nouveaux villages périurbains de béton se drapent dans le néant. Les premiers sont des trésors de simplicité et de sensualité. Les seconds sont quelconques et quasi inexistants. Qui voudrait y vivre ?
L’ordinaire des premiers est devenu extraordinaire aujourd’hui.
Rien n’est plus ordinaire que les bidonvilles, les slums, les favélas et pourtant ils fascinent par leur résilience et leur courage. Ce sont presque des architectures métaboliques.
Seule peut-être Athènes, encore et toujours, nous propose un ordinaire réussi dont on devrait s’inspirer.
Alors comment permettre l’extraordinaire ou plutôt l’ordinaire merveilleux en architecture ? Comment déplacer l’ordinaire ? Comment le transcender ou lui donner ce supplément « d’extra » ?
Pratiquer l’architecture est un acte noble : il est question de créer le cadre quotidien de tout le monde. Celui dans lequel on vit, on aime, on crie, on pleure, on rit, on apprend et l’on rêve. C’est là une définition de l’ordinaire : toutes ces choses de tous les jours qui, mises bout à bout, fabriquent de l’ordinaire.
Cela nous oblige, en tant qu’architectes donc, et sans échappatoire possible car, à défaut, les conséquences sont là pour longtemps et laissent des stigmates sur le sol, mais aussi dans le corps et l’esprit des gens.
Oui, cet ordinaire n’a eu de cesse de s’appauvrir sans qu’aucun architecte ne s’en émeuve vraiment. Pourquoi a-t-on cessé de construire des villes avec le souci de qualité, du soin et du savoir-faire au profit de façade vidée de sens prétendument spectaculaire ?
Pour pouvoir être mieux vendu sans jamais être vécu sans doute.
Les architectes ne se rendent-ils pas compte de ce qu’ils commettent, de la complicité et de la complaisance dont ils font preuve en servant seulement les intérêts de ceux qui commandent et pas de celles et ceux qui vivent derrière leurs ostentatoires façades.
La misère intellectuelle et constructive de ces lieux ne peut que participer à la misère morale de notre époque.
Pourtant, existe-t-il un acte plus merveilleux que de faire pénétrer une pensée artistique, c’est-à-dire libre, exploratoire, transgressive dans l’ordinaire du quotidien des gens ?
Réfléchir et agir par tous les moyens à œuvrer pour l’unique mission sensée de ce métier, c’est changer le paradigme de l’ordinaire, c’est affirmer d’abord et avant tout que l’architecture est un art, soit, et il faut se battre pied à pied pour que cela le demeure. C’est un art donc, mais un art Populaire !
Décloisonner la parole et les idées pour fabriquer la ville, en faire un lieu de débat, afin de retrouver une complexité, une beauté et une densité de l’ordinaire !
A partir de ce double postulat, il sera enfin possible de créer une esthétique de l’ordinaire en architecture et, ce faisant, contribuer à faire basculer un système dans autre chose, nécessitant d’inventer de nouvelles règles, non seulement d’urbanisme, mais aussi sociétales et sociales.
L’architecture est un art populaire politique, dans le meilleur sens du terme.
Matthieu Poitevin
Direction
Claire Andries
Programmation
Julien Diers
Conseil stratégie éditoriale
Didier Muntaner
Direction technique
Marie Hajehssain
Coordination et production
Claire Chassot
Production
Agence Caractère Spécial
Scénographie
Claudia Goletto
Community management